La jolie cage dorée du dirigeant
Le rêve de liberté
Tout le monde rêve de liberté et la liberté est souvent synonyme d’entreprendre, dans l’esprit de beaucoup.
Faire ce que l’on veut, quand on veut, ne plus avoir de contraintes, plus de comptes à rendre, c’est génial : j’entreprends et je vais devenir libre.
Mais au final, l’est-on vraiment ?
Entreprendre, c’est faire des prêts bancaires, hypothéquer sa maison, vivre du stress personnel, voire pour sa famille, avoir mal au ventre régulièrement, connaître des nuits agitées voire des nuits blanches, subir des crises de panique… Hum, tout un programme, mais on fait tout pour se sentir libre.
Entreprendre, c’est aussi faire face aux contraintes de son marché, de ses clients, de ses équipes. C’est être obligé d’être bon tout le temps, ne pas avoir le droit d’avoir de doutes, ni de coups de mou. Il va falloir toujours avoir la pêche, l’envie, la force de « tirer la charrue » et se rendre disponible pour les autres, les écouter, et récupérer les problèmes de chacun (ce que l’on appelle « le singe de chacun »).
Malheureusement, les joies lui sont peu partagées. S’il veut les connaitre, il va falloir qu’il aille les chercher.
Entreprendre, vu sous cet aspect, ça fait rêver 😊 mais ce sont des éléments que tout entrepreneur a connu, ou connaît toujours.
Quel bonheur à vivre
Heureusement, cette liberté nourrit et apporte de nombreuses satisfactions, donne du plaisir, des joies, et le sentiment du devoir accompli. Quel aboutissement de voir transformés sa vision, son rêve, en réalité ! Quel bonheur de le vivre avec ses équipes, de le partager avec ses proches (et de leur faire subir notre euphorie 😊).
Un entrepreneur n’est pas un extra-terrestre, c’est un humain comme tout le monde, un passionné, et comme chacun, il a besoin de couper, de se détendre. Quand on le voit de l’extérieur, notre cerveau nous raconte l’histoire que l’on a envie d’entendre, pas forcément celle qu’il vit lui : « il a l’air cool, il aime rigoler, il est en baskets, j’aimerais tellement avoir sa vie, ça a l’air top et facile… ».
On n’imagine pas, le dirigeant est un humain
Et pourtant, sa vie n’est pas celle que l’on imagine.
L’isolement du dirigeant, c’est être souvent seul pour prendre des décisions importantes, reprendre des risques en permanence alors qu’il avait pensé avoir fait le plus difficile, subir à nouveau du stress, voire remettre les compteurs à zéro en remettant en cause ce qu’il a mis des années à construire, car il est convaincu que c’est ce nouveau chemin qu’il faut prendre.
Mais c’est un humain, comme tout le monde : il aimerait aller plus loin, aller plus haut mais parfois… il n’y arrive plus. Moins de gaz, moins d’envie, il tire le navire depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans, il bosse à fond, mais se lasse de toute cette énergie qui s’amenuise au fil des ans et qui l’empêche d’amener son bébé là où il souhaite. Son entreprise a une taille moyenne, 20, 30, 50 personnes, c’est bien, tout le monde l’admire dans son écosystème, mais pour autant cette taille n’est pas « humaine » pour lui. C’est trop gros pour être « cool » et trop petit pour avoir les moyens financiers de se structurer.
Surtout, un dirigeant doit tout gérer :
- La production,
- Le business
- La communication
- Les démarches administratives
- Les finances,
- Les ressources humaines.
Tout cela peut être passionnant quand on en fait son métier, mais le dirigeant doit être sur tous les fronts, un vrai Superman. Qu’il soit formé pour ou non, qu’il aime ou non, il doit être au top sur tous les sujets. Mécaniquement, tous ces sujets le ramènent à être hyper-opérationnel, à ne pas pouvoir prendre de recul, à limiter le temps pour la stratégie de son entreprise et donc à son développement.
Avec ces contraintes permanentes, pendant des années, c’est la garantie de se fatiguer, de s’user (voire de flinguer sa santé), puisque l’entreprise ne repose que sur lui.
Il est devenu prisonnier de sa propre entreprise, celle dont il avait tant rêvée ☹
Il est enfermé dans la magnifique cage dorée du dirigeant.
Mais quelles solutions s’offrent à lui ?
- Continuer et ne rien changer ? Combien de temps va-t-il pouvoir tenir ? Dans quel état va-t’il finir ?
- Calmer le jeu ? C’est commencer à renoncer à son rêve, c’est mettre en danger son entreprise pour le futur, c’est prendre en otage ses propres équipes qui ont tant donné pour la développer et se donner du sens.
- La vendre ? Mais comme elle ne repose que sur le dirigeant, ce n’est pas demain la veille qu’il pourra se retirer. Et pour faire quoi demain, ou pendant les 20 prochaines années ? Passer sa journée sur un canapé à attendre ses copains ? Se relancer dans une autre aventure et vivre la même chose ? Devenir salarié et renoncer à la liberté qu’il a voulu s’offrir ?
- S’adosser à un groupe ? C’est pouvoir poursuivre son aventure en l’accélérant, en partageant davantage au quotidien, en lui enlevant les fonctions supports qui l’usent, et se concentrer sur ce qui lui plaît et dans lequel il est bon. C’est un moyen de sécuriser ce qu’il a construit au fil des ans, et de retrouver de l’apaisement, du plaisir et du sens.
La cage dorée du dirigeant
Entreprendre est selon moi une vocation. Les entrepreneurs sont prêts à de nombreux sacrifices au quotidien pour s’offrir la liberté qui les a fait avancer chaque jour, mais ce qui est paradoxal, c’est que cette liberté qui nous a fait tant rêver peut nous emprisonner dans un lieu que nous n’imaginions pas, « la cage dorée du dirigeant ».
Cette cage, elle est terrible.
- D’abord, parce qu’elle est invisible, personne ne la voit et surtout pas le dirigeant qui est toujours la tête dans le guidon et qui un jour prend conscience qu’il s’est enfermé lui-même avec son bébé.
- Et puis les autres, sa famille, ses amis, ses salariés, qui ne comprennent pas pourquoi il n’est pas bien, puisque pour eux tout est bien… de l’extérieur.
Le bon côté, c’est que pour en sortir, c’est bien le dirigeant qui à la clé entre les mains, et encore une fois, il va avoir une décision importante à prendre seul : s’offrir une autre liberté, ou peut-être, la liberté qu’il a tant rêvée 😊