Entreprises, chassez l’usurpateur !
Vous avez déjà dû en rencontrer dans votre carrière professionnelle. Vous savez, celui qui présente bien, qui parle bien mais ne fait pas grand-chose, voire… rien.
Attention, je parle du professionnel de l’usurpation, pas du collaborateur en difficulté et que l’on doit aider, bien évidemment.
L’usurpateur démarre sa carrière dès son plus jeune âge, on le reconnaît à l’école, celui qui se glisse dans les groupes de travail qui vont bosser… pour lui, car il n’a pas l’intention de coopérer. Il ne le dira pas officiellement, ses collègues auront l’occasion de le découvrir au fil du temps. C’est celui que les étudiants appellent le free rider (le passager clandestin), celui qui énerve ceux qui ont bossé dur.
Dans sa vie professionnelle, il est généralement très bon en entretien, il sait dire ce que l’on attend, il raconte bien les histoires : on pense tenir un très bon futur collaborateur, mais on a affaire à un véritable comédien. S’il franchit cette étape (ce qu’il arrive plutôt bien à faire), il va déployer sa méthode pour ne pas se faire démasquer, ou plutôt le plus tardivement possible. Pour cela, il va jouer la séduction avec sa direction, son manager. Il utilise beaucoup la flatterie, l’humour pour créer du lien et développer l’affectif entre lui et ses supérieurs, ce qui rendra la décision plus difficile à prendre pour s’en séparer.
Au niveau de son travail, il vous explique sa méthode : il a « besoin de temps pour avoir les fruits de son travail, 2 ou 3 ans normalement, ça devrait payer ». Ainsi, il aura toujours une bonne raison pour ne pas avoir tout de suite les résultats que vous attendez de lui. Quand il est manager, il vous coupera quasi systématiquement de son équipe. Sans contact avec eux, vous n’avez plus de capteurs pour identifier les signaux faibles, il vous racontera ce qu’il veut, ce qu’il l’arrange.
C’est quoi son objectif ?
Il cherche simplement un sponsor pour une certaine durée, le plus long sera le mieux, tant qu’il n’est pas mis en danger. Le projet de l’entreprise, le vôtre, celui des autres, il s’en fout totalement ! Seul son intérêt compte, il veut profiter des avantages de l’entreprise. Il sait qu’il n’est que de passage, mais prendra tout ce qu’il peut avant d’être identifié.
Il prendra tout, d’abord le salaire, mais il n’en donnera jamais pour l’équivalent : il s’offrira du temps, voire du temps libre. Souvent, il aura des déplacements à faire, mais pas pour l’entreprise, qui n’aura que les frais. Il tirera toutes les couvertures à lui. Quand il pourra profiter des augmentations ou des promotions internes, il ne se gênera pas : tant que ça marche, il continue.
Il sait qu’il se fera identifier tôt ou tard, mais ce n’est pas grave, il sait aussi que cette expérience vient enrichir son CV et lui offrira de nouvelles opportunités. S’il s’est fait attraper trop tôt, il ne le mettra pas sur son CV ou son profil LinkedIn : ni vu ni connu, personne n’y verra rien.
Alors comment le débusquer ?
D’abord, ne jamais laisser les clés du camion, comme ça, à une nouvelle recrue. Comme on dit, la confiance, n’exclut pas le contrôle.
À titre personnel, j’ai eu l’occasion de recruter un profil qui nous avait fait très grosse impression, et assez naturellement, l’envie de laisser cartes blanches dès le démarrage. Heureusement que nous avons été vigilants malgré tout, cela nous a permis de repérer un certain nombre de points qui ont commencé à allumer quelques signaux. Nous avons donc commencé à suivre plus précisément ses actions et son comportement.
Nous avons rapproché notre management, repris contact avec les équipes pour valider certaines intuitions. La difficulté, c’est qu’il a toujours de bonnes raisons pour ne pas faire ce que l’on attend de lui. Il détourne votre attention sur d’autres sujets. La seule solution est de passer à un fonctionnement plus directif. Des actions clairement définies, des objectifs précis, une échéance définie et des points réguliers pour en suivre l’avancement.
Rapidement, il va se sentir ferré, va s’énerver, hausser le ton, ou expliquer que lui ne travaille pas comme ça. Qu’il a besoin que l’on lui fasse confiance, etc. etc. En quelque sorte, que s’il n’y arrive pas ou plus, c’est à cause de vous, vous lui mettez la pression.
Comment réagir ?
Parfois, les entreprises ont la faiblesse de ne pas réagir. Après tout, il ne fait rien de mal (rien de visible) car il fait semblant. D’autant plus quand c’est un manager qui l’a recruté, il ne veut pas se discréditer et expliquer à sa direction qu’il a commis une erreur. Erreur qui, d’ailleurs, ne se voit pas au premier coup d’œil. Pire, l’usurpateur peut même donner une excellente image à la DG, ce qui rend la séparation encore plus compliquée.
Mais quelle erreur de ne pas réagir ! Ne pas trancher est dramatique pour l’entreprise, pour les équipes, pour l’image de la direction. À mon sens, dès qu’il est démasqué, il faut réagir au plus vite. La seule issue est la séparation.
Il faut être ferme et se préparer à ce qu’il crie à l’injustice. Il va déployer des arguments, mais si vous êtes convaincu de cette situation, ne rentrez plus dans le détail et le débat, soyez factuel et appuyez-vous sur des faits indiscutables. Au fond de lui, il sait qu’il est imposteur, il baissera vite les bras s’il sent que ses arguments ne fonctionnent plus.
Quelle conséquence pour les équipes ?
Le recrutement de ce type de profil est assez dévastateur pour les équipes. Il est créateur de sentiment d’injustice. Eux sont là depuis des années, travaillent, font leur maximum, et tout d’un coup, on confie des responsabilités à une personne qui fait semblant.
Et eux l’ont vite remarqué, que la charrue n’est pas tiré de la même manière par ce nouveau collègue. Si en plus, il est recruté comme manager et qu’il reste quelques temps, vous pouvez être sûr que le deuxième effet Kiss Cool, c’est qu’il a tiré les couvertures à lui au détriment de son équipe avec souvent un double discours. Pour les équipes en expliquant que c’est la décision de la direction, et pour la direction que son équipe n’est pas très performante et qu’elle ne le mérite pas.
Personnellement, j’ai eu l’occasion de le toucher du doigt, non pas de la part d’une nouvelle recrue, mais d’une personne qui est devenue imposteur. Encore plus impressionnant, car on ne s’attend pas à ça, je n’ai rien vu pendant quelques mois, avant de l‘identifier. Mais les mois passés ont laissé des traces sur l’équipe qui ne comprenait pas, et qui pensait que c’était moi qui avais un double discours.
Depuis des semaines, il développait l’art de s’attribuer le travail des autres et de les dénigrer. Un management rapproché, de la prise de parole directe auprès des équipes, rapidement, il a pris la décision de quitter l’entreprise, sentant bien que l’étau se resserrait.
Et pour l’entreprise ?
D’abord économiquement, chaque erreur de recrutement est coûteuse par le temps investi et financièrement, son salaire, ses frais, car vous payez une personne qui ne fait pas son job. Sans parler des coûts indirects, la démotivation des équipes, les décisions non prises, le ralentissement de l’entreprise sans parler du discrédit qu’il peut porter à la direction.
C’est pour cela que chez MV Group, nous ne discutons pas sur nos fondamentaux, ils sont à respecter impérativement. Prendre ce type de décision, c’est aussi l’occasion de garder (ou regagner) l’estime de son équipe en montrant que l’on est juste et que ce type de fonctionnement est bannit dans l’entreprise.
L’erreur de recrutement nous rappelle également à chacun, qu’il est important de savoir apprécier (parfois à posteriori) la qualité des collaborateurs que l’on ne voyait plus aussi performants au fil des années. C’est aussi pour cette raison que nous privilégions dans le groupe l’évolution interne, avec aujourd’hui 51 de nos 53 managers issue de l’entreprise.