Les effets secondaires du télétravail

Le Covid aura été un formidable accélérateur du télétravail. Longtemps rêvé par les salariés, étudié par les entreprises qui ont avancé plus ou moins franchement sur le sujet, le confinement du mois de mars a tout balayé sur son passage, faisant passer d’un coup 90% des emplois de service en télétravail 5 jours sur 5.

Et globalement, sur le coup tout le monde était fier. Les salariés d’avoir été au rendez-vous et les entreprises de s’être adaptées aussi rapidement en faisant confiance à leurs équipes. 

Il faut dire que personne n’a véritablement eu le choix non plus 😊


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Les difficultés rencontrées

Chacun a pu mesurer que le télétravail permettait d’être plus productif, tout le monde était focus sur ses missions, et la mesure du travail se fait beaucoup voire exclusivement sur les livrables, les résultats.

Pendant cette période, la plus grande difficulté exprimée l’a été par les managers intermédiaires, à la fois en charge de leur propre mission mais qui devaient garder le lien quotidiennement avec leurs équipes, en jonglant entre la confiance et le contrôle.  La perte des signaux faibles dans les échanges, les moments de convivialité a été une absence marquante, ne permettant pas d’anticiper les choses comme habituellement.

Une autre résultante de la situation a été une communication beaucoup plus verticalisée. Les managers ont échangé avec leurs équipes, les directions générales avec l’ensemble des collaborateurs, les collègues avec ceux avec qui ils échangent habituellement, mais les interactions croisées avec des membres des autres services favorisant l’intelligence collective ont fortement diminué, voire totalement disparu.


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Une reprise complexe

Au moment du déconfinement la situation fût différente. Les entreprises ont eu besoin de faire revenir les salariés dans les bureaux pour remobiliser et remettre du lien, de l’esprit d’équipe. Mais parallèlement à ce besoin, les salariés ont souvent eu peur de revenir. Pas forcément par rapport au travail, certainement plutôt par peur de la maladie, mais aussi parce que beaucoup avaient pris leurs habitudes à la maison.

Concrètement, ceux qui ont mal vécu le télétravail car ils vivent seuls, dans un petit logement, ont exprimé le souhait de revenir rapidement au bureau, revoir du monde, refaire des liens, revivre. D’autres ont eu du mal a faire la coupure entre la partie personnelle et professionnelle, le télétravail faisant exploser la frontière entre les deux, qu’ils avaient tant pris soin de préserver.

Ceux qui ont bien vécu cette période ont souvent eu plus de freins à revenir, les stratégies des entreprises étant souvent différentes. Certaines ont demandé à leurs salariés de revenir immédiatement le 11 mai, d’autres (comme MV Group) laissant à chaque salarié la possibilité de revenir quand il se sentait à l’aise mais avec un objectif commun, faire au moins une semaine de présentiel au bureau avant le 30 juin.  Les réactions étaient surprenantes. À la fois un peu d’appréhension à revenir, mais rapidement rassuré de voir les mesures sanitaires et surtout une satisfaction personnelle de chacun en se rendant compte le bien procuré de retrouver les collègues et les échanges.

D’autres entreprises, ont décidé de maintenir cette situation jusqu’à la fin d’année (avant le 2eme confinement), mais beaucoup de dirigeants avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger ont pu commencer à mesurer un début de désengagement au fil des semaines et à exprimer une réelle inquiétude.

À moyen terme, la gestion des carrières est plus complexe dans un schéma a 100% en télétravail. Comment apprécier la qualité d’un salarié quand le manager se focalise en permanence sur le résultat à court terme ? Dans ce schéma, des salariés peuvent se sentir totalement isolés, voire pour certains invisibles.

Illustration - Personnes avec des masques

Les effets de bord du télétravail

J’ai noté 2 types d’effet de bord, positifs comme négatifs.  

Les positifs qui ont : 

  • Fait accélérer ce sujet dans les esprits de chacun
  • Modernisé les entreprises en exploitant les nouvelles technologies qu’elles n’arrivaient pas à utiliser, comme les visios par exemple
  • Une responsabilisation des salariés avec plus de confiance
  • Mais le télétravail a mis en évidence le besoin de lien social que le travail apporte au quotidien. À force de le vivre, on perd de vue à quel point c’est une chance d’avoir un job, un lieu pour l’exercer, d’échanger avec des collègues, de rigoler au bureau.

Les négatifs : 

  • Les café ou apéro visio, qui n’ont pas remplacés les échanges habituels autour d’un café (et heureusement au final) 
  • Une individualisation des actions 
  • Une hyper concentration sur les résultats, qui n’est pas tenable à long terme
  • Un mélange compliqué à gérer entre le travail et le perso
  • Un désengagement progressif dans la durée.

En définitive, la situation nous a rappelé l’importance et la richesse des rapports humains en présentiel comme des éléments cruciaux dans la perspective durable de collaboration avec les équipes.

L’un des effets de bord que beaucoup d’entreprises de services auront pu mesurer depuis le 1er déconfinement, c’est le nombre de salariés qui, après avoir été face à eux-mêmes pendant le confinement, se sont posés des questions existentielles, souhaitant changer d’entreprises ou de métier ou s’offrir du temps… en pleine crise économique. 

Télétravail , une équation entre la confiance et le contrôle

Le télétravail est souvent associé au mot « contrôle ». Mais il est aussi associé à une forme d’autonomisation, voire de libération du salarié, quand ce n’est pas d’intensification du travail. Une étude de Collinson en 1998, rappelle que « des salariés disciplinés » sont prêts à accepter une limitation de leur autonomie ou une intensification du travail s’ils estiment en tirer un bénéfice, notamment en matière de réorganisation du travail. De l’autre côté, les entreprises doivent accorder plus de confiance à leurs équipes. À mon sens pas tous, car tout le monde n’a pas non plus la discipline pour s’imposer la rigueur que nécessite le télétravail. 

Le télétravail, c’est une relation de confiance qui doit se construire au fil des jours par la qualité du travail mais aussi par un partage de valeurs au quotidien.

Sur le papier, on peut penser que l’autonomie accordée est un atout, mais malheureusement, l’autonomie est rarement prise spontanément par le salarié, tout comme la possibilité d’autodiscipline s’inscrit souvent dans une relation managériale.

Illustration du concept de bureau

La déspatialisation, un élément à prendre en compte

Le Covid a fait plus de 40 000 victimes en France, mais la déspatialisation est l’un de ses effets secondaires, qu’il faut avoir en tête et suivre de près, car jamais le nombre de dépressions voire de prises en charge psychologiques n’a été aussi élevé qu’actuellement. Bien évidemment, le climat ambiant y contribue fortement, mais ce phénomène touche aussi des salariés concernés par le télétravail.

La disparition des conversations, des micro-moments d’échanges, des fous rire spontanés, ne plus pouvoir se changer les idées ont eu des impacts forts sur un grand nombre de personnes, provoquant un isolement social. Au départ, le rêve de plus de flexibilité attire beaucoup de monde, mais vite rattrapé quand les espaces privés et temps de travail s’entremêlent dans une mosaïque au sein de laquelle se fondent les moments de travail et de loisir. Même si, dans la vraie vie, nombreux sont ceux qui ont respecté les heures de travail. 

Ce n’est pas le lieu de travail qui manque aux salariés, mais plutôt l’environnement de travail au sens large, avec les interactions en face à face avec les collègues et ses managers, les discussions informelles et les valeurs partagées. Le lieu contribue aussi à définir la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Nous avons tous besoin d’espace particulier pour couper, pour nous retrouver.

La solution, le télétravail pendulaire

Et globalement, un consensus semble se dessiner pour les années futures, le 2ème confinement en est la démonstration. Malgré les directives gouvernementales réclamant du télétravail à 100% , très peu de salariés ne sont enchantés par cette organisation, nombreux sont ceux qui sont très angoissés et ce, quelle que soit leur expérience du 1er confinement.  

Au final, la solution réside dans le télétravail pendulaire, en trouvant l’équilibre avec 1 ou 2 jours par semaine. Chez MV Group, l’enquête auprès de nos salariés le confirme avec 86% des salariés souhaitant jusqu’à 2 jours par semaine.

Cette organisation permet d’abord d’apporter une réponse à l’équilibre personnel et professionnel, notamment pour ceux qui ont des kilomètres à faire ou souhaitent déposer / récupérer leurs enfants à l’école. Professionnellement, elle permet de retrouver régulièrement ses collègues, d’entretenir les relations et de contribuer au projet collectif de l’entreprise.

C’est aussi, un ajustement dans sa méthode de travail qu’il faut apporter, en privilégiant les moments d’échanges quand on est au bureau et les moments en mode « focus » quand on est à la maison.

Ce sujet est passionnant, ni tout noir, ni tout rose, mais un nouveau modèle de travail à construire tous ensemble pour trouver le bon équilibre pour chacun et compatible avec le projet de l’entreprise.

Les équipes RH ont encore de beaux jours devant elles pour adapter au quotidien les entreprises aux nouveaux comportements, mais en veillant bien aussi aux effets de bords que chaque modèle peut occasionner involontairement.

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Article écrit par

Olivier Méril

La stratégie digitale est un univers passionnant à explorer et encore plus à partager. Avec mes collaborateurs, nous avons à coeur de vous communiquer notre expérience et notre savoir-faire.

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