[Regards Croisés] Les KPIs et tableaux de bord pour bien piloter son entreprise
Regards Croisés, c’est notre rubrique d’échanges ! Chaque mois, Olivier Méril, Président de MV Group, échange avec une personne sur un thème spécifique. D’abord, Olivier pose ses questions, puis c’est au tour de l’autre personne. Aujourd’hui, c’est au tour de Nolwenn David et Perrick Besnard, fondateurs de Datatim, de se prêter au jeu !
⌚️ Pas le temps de lire cet article ? Prenez une minute pour regarder le résumé d’Olivier !
Olivier à Nolwenn et Perrick : « Exploiter les données pour prendre des décisions rentables »
#1 – Nolwenn et Perrick, pouvez-vous présenter l’activité de Datatim ?
Chaque entrepreneur a de l’or entre les mains (ou dans la tête 😉) : son cœur de métier ! Gérer les multiples casquettes de la fonction de dirigeant n’est pas toujours simple. Et lorsque les chiffres et la gestion suscitent peu d’envie, le talent peut être gâché par les difficultés… Datatim est née de ce constat, et de la rencontre entre deux passionnés de la gestion d’entreprise ! Datatim a donc vu le jour pour permettre aux dirigeants de PME de se développer sereinement, en rendant accessibles les méthodes de gestion des grandes entreprises.
Nous sommes les « compagnons de la performance économique » ! Aux côtés du dirigeant et de ses équipes, nous exploitons tout le potentiel des données disponibles (« datas ») dans l’entreprise pour bâtir le/les tableau(x) de bord permettant de prendre des décisions économiquement intelligentes, autrement dit rentables ! Et nous ne nous arrêtons pas là : nous sommes surtout très présents pour écouter, échanger, co-construire, ajuster, former et transférer outils et compétences aux équipes du client afin de les rendre autonome.
Les dirigeants et leurs équipes peuvent ainsi se concentrer sur leur savoir-faire, tout en pouvant suivre, développer et anticiper l’activité de leur entreprise. Ils peuvent ainsi passer de la souffrance du « je réagis, je subis » au réel confort du « j’anticipe, je pilote ».
#2 – Selon vous, quelles sont les principales erreurs stratégiques que font les entreprises dans leurs KPIs et tableaux de bord ?
En préambule, un tableau de bord est un outil visuel qui permet de présenter quelques indicateurs de performance (« KPI » en anglais), et il n’en faut pas beaucoup pour piloter son entreprise.
Il n’y a pas de bons tableaux de bord sans une vision stratégique de l’entreprise. Le dirigeant doit réfléchir à ce qu’il veut faire de son entreprise dans les 3 à 5 ans à venir. Cela ne veut pas dire que cette vision est figée dans le temps, mais donne un axe de réflexion qui sera décliné en objectifs annuels. Ces derniers permettent alors d’alimenter les tableaux de bord, qui seront idéalement analysés tous les mois ou trimestres. La réalité est donc comparée aux objectifs régulièrement, ce qui permet d’adapter ses ressources et son organisation, de donner du sens aux équipes et d’anticiper l’activité.
La principale erreur est de ne pas avoir d’indicateurs !
Nombreux sont ceux qui pilotent à l’intuition. Cela peut fonctionner pendant un temps, mais malheureusement, tôt ou tard, cela fini par des conséquences parfois désastreuses. Des éléments extérieurs (derniers en date : gilets jaunes, Coronavirus…) peuvent impacter un marché sans prévenir. Il est nécessaire dans ces cas-là de connaître ses marges de manœuvre. Sans compter l’incertitude permanente dans l’esprit du dirigeant !
A l’opposé des entreprises n’ayant pas de tableau de bord, il y a celles qui en ont trop ! À vouloir tout maîtriser, on se dilue dans une masse d’informations trop grande, et on peut se retrouver dans un schéma très rigide où l’inertie règne, alors que les marchés actuels exigent une grande flexibilité. Il faut donc bien réfléchir aux indicateurs que l’on doit suivre. Les entreprises suivent évidemment leur chiffre d’affaires (réalisé ou en commande).
C’est peut-être un peu provocateur, mais le chiffre d’affaires n’exprime rien d’autre qu’un niveau d’activité ! Si vous ne maîtrisez pas bien votre organisation, vos outils, plus on vend, plus on perd ! Si votre entreprise ne connaît pas ses coûts de revient (et c’est plus fréquent qu’on ne le pense !), vous vendez certainement de nombreux articles à perte sans le savoir.
#3 – Pourquoi les cabinets comptables ne font-ils pas ça ?
Les cabinets comptables permettent aux entreprises de répondre à l’obligation légale de produire ses comptes, et ses déclarations fiscales et sociales. Pour être conforme aux normes complexes et changeantes, cela nécessite une véritable expertise. La précision est au centime près, et il s’agit de regarder ce qui s’est passé dans l’entreprise sur une période passée. La plupart des cabinets d’expertise-comptable n’ont donc pas les ressources suffisantes pour développer leur offre de conseil opérationnel.
Ne généralisons pas, les « grands » cabinets proposent ce type de service sous une offre « consulting » très large, mais celle-ci, très onéreuse, s’adresse plutôt aux ETI ou grands groupes. La comptabilité est destinée principalement aux dirigeants, aux actionnaires, à l’État et aux banques.
L’aide à la décision est le propre du métier très opérationnel du « contrôleur de gestion ». Ce métier (mal nommé, nous préférons « performance manager ») est quant à lui destiné aux dirigeants et à ses équipes. Cela permet à chaque entreprise d’avoir du sur-mesure ! L’intérêt est de comprendre en détail l’analyse du passé, afin de mieux piloter le présent et surtout d’anticiper le futur de l’entreprise.
Pas besoin ici d’une précision au centime, les ordres de grandeur et tendances suffisent pour permettre une prise de décision éclairée.
De plus, le contrôle de gestion va utiliser les données des outils métiers (CRM, suivi de production, données RH etc.) pour les croiser, les transformer en ratios, et les valoriser en €. La comptabilité est une donnée parmi les autres, permettant de valider que les valorisations correspondent bien à la réalité.
Exemple : en comptabilité, les frais de personnel correspondent à la somme des bulletins de paie. En gestion, on va analyser différentes sources d’informations : les heures travaillées, les heures payées, les volumes fabriqués etc., qui fournissent une mine d’indicateurs de rendement et de productivité (temps de non-production, nb de produits/h travaillées, …). Cela permet de chiffrer l’impact concret des absences, de l’organisation de l’entreprise, des coûts cachés induits par les dysfonctionnements.
Nous croyons que trop d’experts-comptables ont oublié cette expertise du contrôle de gestion pour se concentrer sur la production et le conseil réglementaire (droit comptable, social, fiscal…). Cependant, nous sommes là aussi pour les accompagner dans cette mutation s’ils veulent s’y engager 😉 Avis aux volontaires !
#4 – Comment vous y prenez-vous pour accompagner un client ?
Nous commençons par écouter les acteurs de l’entreprise ! Celui qui fait est celui qui sait ! Plus précisément, notre méthode se décompose en 4 points :
- Investiguer le métier : nous écoutons et observons les pratiques, l’organisation, les flux de ressources. Nous scrutons les savoirs-faire pour les comprendre. Nous cherchons à déterminer si le meilleur usage est fait des ressources. Nous mobilisons les collaborateurs.
- Collecter les données : nous identifions toutes les ressources mobilisées pour conduire l’activité, puis nous les transformons en données. Parmi elles : des données économiques externes, des achats, des flux de matières, du temps passé, des compétences présentes ou absentes, des ressentis internes…
- Analyser et mesurer : forts de ces données et de nos outils et expériences, nous analysons les données collectées et les confrontons entre elles pour faire émerger des enseignements. Nous créons ainsi des indicateurs, mesurons les variations, et installons si besoin un point zéro à monitorer dans l’avenir.
- Programmer l’amélioration : nous présentons ensuite le bilan de nos investigations métier ainsi que les analyses économiques produites. Nous dégageons les pistes de travail visant toutes à améliorer ou construire les conditions de la rentabilité. Nous accompagnons ou transférons les compétences aux personnes adéquates.
Nous souhaitons que nos clients soient libres de tout engagement. Tout évolue vite, et il est essentiel de pouvoir être réactif. Nous accompagnons nos clients dans la mise en place des rituels et routines concourant à l’amélioration en continue de la performance économique (CoGest, ComEx…).
#5 – Quels sont les indicateurs prioritaires à suivre en tant que dirigeant d’entreprise ?
Petit conseil : un bon indicateur sera de préférence un ratio, rapportant des € à des unités manipulées au quotidien sur le terrain (€/h, €/km, €/kg, unités/h etc.). Chaque indicateur portera sur un type de revenu ou de dépense, et mieux encore s’il porte sur un niveau de marge, ou une mesure du temps qui passe pour comprendre l’évolution de la trésorerie (corrélée à l’évolution du BFR).
Il faut avancer pas à pas et démarrer avec 4 à 5 indicateurs-clés, choisis avec soin. Il n’existe pas de liste par défaut. Les indicateurs doivent être :
- Le reflet opérationnel de la stratégie propre à l’entreprise
- Le croisement des € du comptable avec les unités d’œuvre gérées chaque minute par les équipes
- Simples, objectifs, exhaustifs, facilement reproductibles dans le temps
- À l’image de l’évolution de l’efficacité et de l’efficience de l’entreprise (marge et cash).
Quand dans le temps l’amélioration de ceux-ci « plafonnent », il est temps d’aller plus finement dans l’analyse et de compléter ce premier jet par des sous-indicateurs ou des tableaux de bord thématiques : par activité (commerciale, logistique, RH, marketing…), par site/atelier, par zone géographique… La quête de l’amélioration en continue est infinie !
#6 – Et le bénéfice pour l’entreprise ?
Les bénéfices sont multiples ! Outre ceux valorisables en monnaie sonnante et trébuchante, mesurés dans les comptes (amélioration des marges, nouvelle capacité de trésorerie…), toutes les parties prenantes perçoivent des changements profonds :
- Les dirigeants, conscients des bienfaits de la délégation bien placée, gagnent en visibilité et en sérénité, ils se reposent sur une équipe qui a les moyens de décider avec clairvoyance.
- Les femmes et les hommes, collaborateurs de l’entreprise, engagés dans une nouvelle dynamique de pilotage où ils sont responsabilisés et écoutés, voire rétribués sur les gains de performance mesurés (indicateurs repris en grille de primes d’objectifs ou d’accord d’intéressement).
- Les partenaires financiers de l’entreprise (actionnaires, banquiers…) qui constatent l’amélioration, entendent un discours plus cohérent et global, et renouvellent leur confiance dans l’entreprise.
De plus, à une époque où les dirigeants « baby-boomers » approchent d’une retraite bien méritée, le nombre de transmissions/reprises d’entreprises va augmenter. Il est important dans ce cas de s’assurer que la pérennité est assurée grâce à un bon management, de bons outils et ainsi atterrir sur une valorisation optimale.
Nolwenn et Perrick à Olivier : « sans tableau de bord, on ne peut pas piloter une entreprise »
#1 – Quelles sont tes définitions de la performance d’une entreprise, à distinguer de la performance en entreprise ?
Pour moi l’entreprise doit être un savant équilibre : elle doit être économiquement viable (avoir des résultats), partager une partie de cette richesse produite avec ses équipes et mettre en place des avancées sociales dans le but de développer le bien-être des équipes pour bien servir les clients. La performance est donc de tenir cet équilibre en permanence.
À titre personnel, la performance est surtout de réussir à créer un environnement où elle devient un fil conducteur, le tout dans une ambiance où il fait bon vivre. C’est un élément clé, nous sommes sur des marchés en innovation permanente, il faut pouvoir assimiler toutes ces nouveautés et les exploiter pour améliorer les performances de nos clients.
#2 – Comment associes-tu tes équipes aux prises de décisions stratégiques ou opérationnelles, ont-elles un feed-back sur les résultats consécutifs ?
Oui, beaucoup d’actions, et surtout les plus stratégiques sont co-construites avec les équipes, mais pas uniquement. Notre dernier plan stratégique (Waouh 2023) a été construit en faisant des ateliers avec les équipes et avec des clients, ce qui permet à chacun de comprendre les décisions et de participer à la construction du projet commun. L’implication n’en est que plus forte par la suite pour le mettre en œuvre.
Ensuite oui, les résultats sont partagés, nous sommes dans une transparence totale. Deux fois par an, nous réalisons un séminaire pour faire le point quali et quanti, et chaque trimestre, j’interviens devant toutes les équipes de France avec un RDV que les salariés ont intitulé « Le Pitch du Boss », ce qui permet à chacun de mesurer de façon concrète les fruits de ses actions. Sans feed-back vers les équipes et dans l’autre sens, je ne vois pas bien comment les équipes peuvent se motiver au projet et avoir du sens dans leur travail.
#3 – Comment pilotes-tu la performance globale (et de chaque business unit le cas échéant) de MV Group, as-tu mis en place des tableaux de bord regroupant des indicateurs-clés de performance (KPIs) ?
Oui bien sûr, c’est la première chose que j’ai mis en place quand j’ai racheté Mediaveille, il y a 10 ans.
Sans tableau de bord, il y a aucun moyen de piloter une entreprise.
Comme on dit chez nous, « ce qui ne se mesure pas ne s’optimise pas ».
Nous avons nos tableaux de bord partagés avec chaque manager : par contre, je ne souhaite pas une entreprise ou tout le monde est rivé exclusivement sur les KPI, car la conséquence est rapide, ces entreprises ne pensent plus à leurs clients. Or, nous sommes focus sur nos clients et voulons le rester. Nos tableaux de bords, nous permettent de nous donner une photo à l’instant « T », que nous analysons une fois par mois, pour ajuster notre stratégie, nos projets, nos équipes afin de maintenir toujours le bon niveau de service pour nos clients.
Je rappelle souvent que « les chiffres ne sont que la photo des actions passées qui ont été faites, ou pas faites », ils doivent aider pour le futur, mais quand ils sortent c’est déjà trop tard.
#4 – Fais-tu un distingo entre les KPIs que tu fournis à tes clients dans le cadre des projets qu’ils te confient (approche ROI) et ceux que tu as à l’œil pour gérer toutes les activités de MV Group ?
Oui, bien sûr. Pour nos clients, nous mesurons précisément combien nos actions leur rapportent. Nous sommes un groupe avec une culture« ROiste », chaque euro investi doit rapporter à nos clients (en CA, en marge, en gain de nouveaux clients), et nous analysons la contribution de chaque levier à ses gains, pour ajuster les investissements sur les leviers qui rapportent le plus. Les conversions sont multi-canal, la qualité d’analyse est donc clé pour être sûr de faire les bons arbitrages.
En ce qui concerne nos activités, nous sommes une entreprise de service, nous devons suivre le temps passé par dossier et la charge par ETP.
Nous avons nos repères pour tenir l’équilibre entre la qualité de service pour les clients et l’équilibre financier pour l’entreprise.
C’est aussi ce qui nous permet d’anticiper depuis 8 ans pour lancer des recrutements. Quand nous avons lancé notre plan de développement, nous avons expliqué en préambule que nous ne voulions pas que nos clients subissent cette croissance ni nos salariés, sinon l’histoire n’est pas tenable. C’est exactement ce qui nous a permis de bénéficier d’un taux de fidélité de nos clients exceptionnel, à 92%, et de développer en parallèle le bien-être de nos équipes.
#5 – Les meilleurs KPIs sont ceux qui allient pertinence (pour le décideur) ET meilleur rapport qualité/coût, comment t’assures-tu que les outils mis en place chez MV Group répondent à ces critères ?
Nous investissons beaucoup dans les outils et les méthodes de travail pour faire gagner du temps à nos experts, pour qu’ils puissent passer le maximum de temps dans des conseils stratégiques. Cette stratégie à un double effet, elle permet d’obtenir des performances plus importantes pour nos clients et contribue en plus au bien-être de nos équipes. Dans nos métiers, plus on est en sérénité, plus on est en capacité pour intégrer, apprendre et exploiter les nouveautés permanentes de nos marchés.
Sur les méthodes de travail, nous avons fait et poursuivons un travail énorme. Nous avons été au Danemark, avons dédié une personne en permanence sur ces actions pour optimiser les méthodes de travail de tous. On ne peut pas dire que les méthodes de travail soient très développées en France.
Qui a eu des formations pour apprendre à bien maîtriser sa messagerie de mails ? Personne, et pourtant combien de temps passons nous dessus ? Limiter les mails internes, mettre des outils transversaux entre filiales et pôles, limiter les réunions et en optimiser l’efficacité, travailler la communication interne, tout ceci a été une avancée considérable en termes de gain de temps, que nous avons intégralement consacré à nos clients.
C’est ce qui nous permet une disponibilité et réactivité que nos clients jugent exceptionnelle.
#6 – Penses-tu que (et pourquoi) le type de management instauré chez MV Group est adéquat pour servir ses objectifs de développement (activité / rentabilité) ?
C’est un peu ce que j’évoquais plus haut, nous recherchons depuis le début de notre plan de développement l’équilibre entre un excellent niveau de service client et la performance économique de l’entreprise. L’atout que nous avons est que nous sommes et tenons à rester un groupe indépendant financièrement, nous bâtissons une stratégie qui correspond à nos valeurs et sommes libres de régler le curseur pour tenir le bon équilibre service client / bien-être des salariés. Les collaborateurs du groupe, connaissent notre fameux losange « SMART FAMILY » qui résume parfaitement cet équilibre global pour avoir une démarche plus pérenne favorable a tout l’écosystème.