Pourquoi les consultations et les appels d’offres ne sont plus adaptés aujourd’hui ?
Les consultations ou appels d’offres tels qu’ils sont organisés aujourd’hui ne correspondent plus aux nouveaux usages. Normal, le formalisme n’a pas changé depuis des années alors que tout évolue autour de nous.
En tant que dirigeant, je trouve déraisonnable le temps que passent certaines sociétés pour les organiser. Si elles avaient calculé le coût interne, elles auraient perçu que cela représente parfois un budget assez proche du montant de la consultation (pour des petites consultations).
Cette démarche est souvent issue d’anciennes habitudes ou d’automatismes (tous les 2 ans nous devons faire une consultation). Pourquoi ? On ne sait pas, c’est comme ça. D’autres vont les organiser pour se mettre à l’abri (sortir les parapluies 😉 ) et justifier une décision par des critères parfois bien éloignés du projet.
Dans le Groupe, nous sommes très souvent sollicités et nous avons pris la décision de choisir les appels d’offres et consultations auxquelles nous répondons pour plusieurs raisons.
Nos clients sont nos meilleurs ambassadeurs
Nous ne manquons pas d’activité et bénéficions d’un nombre important de recommandations de la part de nos clients qui deviennent nos ambassadeurs ; c’est notre meilleure publicité et cela permet de construire des relations solides et durables. Un des atouts du digital est que tout s’analyse, et donc que les résultats sont facilement mesurables et vérifiables. Mais la qualité de la prestation s’apprécie aussi avec la relation vécue qui est une expérience que nous voulons la plus agréable possible. Autant de facteurs qui contribuent à créer une bonne réputation.
Ensuite, la manière dont sont organisées la majorité des consultations n’est pas en phase avec notre manière de travailler et de construire des relations.
Des difficultés qui sont devenues des dysfonctionnements
- Difficulté de communication
Une société qui organise une consultation recherche le meilleur prestataire par rapport à ses besoins ou à ses objectifs identifiés. Or dans le digital il peut y avoir un décalage entre l’objectif que le client exprime (besoin explicite) et la véritable attente (besoin latent non exprimé). Il y a l’objectif annoncé par la direction et ce qui va être transcrit par la personne qui rédige l’appel d’offres. Le donneur d’ordre est rarement celui qui rédige. De l’autre côté, il y a l’interprétation de l’agence et la réponse écrite qui est faite. Puis enfin lorsque la proposition est reçue et lue par le donneur d’ordre et comprise avec sa propre perception. Toutes ces étapes successives sans échange peuvent engendrer autant d’incompréhensions et d’interprétations erronées avec des décalages plus ou moins importants par rapport au besoin réel. Or c’est dommage : parfois pour un point de détail, un client peut passer à côté d’une opportunité de croissance.
- Méconnaissance du digital
Lorsque nous accompagnons des PME et ETI, nos interlocuteurs ne sont pas tous digital native, nous prenons le temps de leur expliquer pour les faire grandir. Mais sur une consultation, nous n’avons pas les mêmes contacts. Vous recevez un appel d’offres qui a été rédigé souvent par des personnes de bonne volonté mais qui ne connaissent pas toutes les nuances du métier ou qui vont commettre des erreurs dans leur demande. 2 solutions s’offrent à nous :
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- Répondre à la question telle qu’elle est posée (pour cocher toutes les cases), mais nous ne rendons pas service à l’organisation qui nous consulte.
- Expliquer qu’il y a une (ou des) erreur(s) au risque de vexer la personne, de répondre hors sujet, et dans ce cas on ne cochera pas toutes les cases…
- Des professionnels des appels d’offres
Des sociétés se sont spécialisées dans les réponses aux appels d’offres. Ce ne sont pas forcément les meilleures pour mettre en œuvre concrètement une stratégie mais leur business model est basé sur la conquête d’appels d’offres. Elles montent des équipes spécialisées dans le sujet, composées de professionnels du marketing et de spécialistes qui vont venir faire le « show ». C’est bien un véritable « show » car dans ce qu’ils présentent tout est au top : les meilleurs experts, la meilleure méthodologie et des performances exceptionnelles, et ce qui est normal car ce sont les meilleurs ! (remarquez, quand on fait une consultation, on ne fait jamais une réponse en expliquant que l’on a une équipe de bras cassés et que notre méthodologie ne fonctionne pas 😉 ). Ils sont 3 voire 4 et parfois 5, et je me pose une question : qui gère les clients en attendant ? Le problème : beaucoup de sur-promesses, tout est possible et atteignable si vous contractualisez avec eux. Tout est surjoué et bien souvent survendu d’ailleurs… Une fois signé, vous allez déchanter car plus rien ne sera comme vous l’avez rêvé. Et oui, leur métier c’est le « show business » et pas le « business ». Mais ce type de « partenariat » (mais est-ce vraiment un partenaire ?) ne peut pas s’inscrire dans la durée. Tous les projets que j’ai pu suivre comme ça, dans l’informatique, le service, le conseil ou le digital, donnent le sentiment de s’être fait avoir. Personnellement, ça m’est insupportable et la relation s’arrête vite, car rien n’est à la hauteur des promesses.
- Les critères d’analyse sont souvent tronqués
Même si les entreprises prévoient leur grille d’analyse au départ, les critères ne sont pas toujours très explicites pour nous, voire implicites pour elles. Et parfois aussi pour les donneurs d’ordre car lorsqu’on les demande, les réponses ne sont pas toujours claires ou transparentes. Les objectifs peuvent être très nombreux et ne sont pas hiérarchisés : augmenter l’audience, diminuer le taux de rebond, générer plus de contacts, baisser le coût d’acquisition et développer la notoriété. On ne peut pas répondre à tous ces objectifs en même temps, il faut les prioriser au risque de mettre en place des actions contradictoires. Dans les réponses, certaines agences aiment faire des promesses inatteignables car ça les aide à signer. Elles expliqueront par la suite que ce n’est pas possible à cause du client pour telle ou telle raison… mais ça sera signé. L’analyse financière est aussi un sujet. Souvent les DAF ou les acheteurs regardent le montant ou le % des honoraires en ne comparant que ça. Ils n’ont juste pas en tête que par exemple sur le webmarketing, les horaires d’une campagne Google Ads servent à optimiser les achats sur Google et donc qu’ils sont le reflet du niveau et du temps que les experts passeront sur leurs campagnes pour obtenir les meilleures performances. Au final, c’est un coût qui va permettre un meilleur rendement et donc des économies potentielles. Ne s’attacher qu’au %, c’est méconnaître la mécanique et se tromper sur les critères d’analyse.
- Impossible d’apporter une réponse de qualité
Pour bâtir des réponses de qualité, il faut comme pour tout un minimum de délais et de ressources humaines pour travailler. Or souvent, les délais sont extrêmement courts (ça tombe bien on n’avait rien à faire). Ce qui est le plus frustrant, c’est quand vous mettez tout en œuvre pour répondre dans un délai extrêmement juste et qu’au final vous ne recevez pas la réponse comme convenu. On vous explique au fur et à mesure qu’il y a eu du retard dans l’étude, et vous l’avez avec 15 jours, 1 mois, 2 mois de retard, voire jamais. Quel manque de respect du travail des autres qui ne donne surtout pas envie de collaborer ensemble !
Autre difficulté que nous rencontrons c’est de ne pas avoir accès aux comptes des plateformes (Google Ads par exemple, ou Analytics). La consultation porte sur une prestation de conseil pour optimiser les campagnes Ads, mais vous n’avez pas accès aux comptes ! Génial. C’est comme si vous alliez chez le garagiste avec votre voiture en panne pour lui demander un devis pour la réparer en lui interdisant d’ouvrir le capot ! Pas facile pour lui, et bien pour nous c’est pareil. Nous avons d’ailleurs, il y a 2 ans, refusé de répondre à une consultation d’une grande enseigne de retail. Il y avait 6 agences en compétition, et seule l’agence sortante avait les accès aux comptes et donc à toutes les données. Nous ne pouvions qu’expliquer que nous avions de bons experts et une bonne méthodologie, mais sans rien pouvoir démontrer. Nous aurions perdu notre temps à y répondre : le travail était énorme, à réaliser dans un délai très court et aurait mobilisé 5 ou 6 personnes. J’ai expliqué à cette grande enseigne que je préférais laisser mon équipe se concentrer sur les clients qui nous payent pour optimiser leurs campagnes. Je préférais ne pas répondre, car nous ne pouvions pas répondre de façon qualitative. Cette enseigne a bien compris et a même apprécié la transparence de notre réponse.
Dernier élément qui pénalise une réponse de qualité, c’est le manque d’échange avec les donneurs d’ordres. Dans le digital, nous avons besoin pour bien comprendre la problématique de nos interlocuteurs et construire dans la durée de s’imprégner de leur ADN, de leurs projets, de leurs ambitions. Or avec les consultations, il y a trop peu d’échanges et rarement un RDV avant. C’est le plus souvent un cahier des charges rédigé et transmis par mail avec une réponse à retourner sous 3 semaines. Pas beaucoup de convivialité. Au mieux, on a le droit à un point téléphonique avec une des personnes et pas forcément celle qui a rédigé (pas simple 😉 ). Ce manque d’échange est extrêmement pénalisant pour apporter une réponse pertinente et de qualité. Et de temps en temps, les questions et les réponses sont partagées avec tous les répondants. Or, la valeur ajoutée dans le conseil réside aussi dans l’art du questionnement et la capacité à soulever des questions que les autres n’ont pas identifiées. Celui qui est le moins pertinent peut apporter globalement la même réponse que les autres. Sur quoi reposent les critères de sélection ? Le prix ? Dans ces conditions il y a peu de chance que le meilleur soit le moins cher !
- Une relation distante
La mise en place d’une consultation est souvent faite de façon très « officielle » et très « formelle ». Personnellement, je n’aime pas ce type de contact. Aux prémices de la relation, chacun étant dans une posture de client ou de fournisseur, les conditions idéales ne sont pas réunies pour construire une « belle histoire ». Je compare souvent cette relation à celle que l’on peut vivre dans le recrutement : si vous êtes condescendant, distant et non dans l’échange avec le candidat il n’aura jamais envie de travailler avec vous et de donner le meilleur de lui-même.
Dans notre métier, et c’est le cas dans beaucoup d’autres métiers, je cherche des relations de « partenaires », c’est-à-dire que l’on n’est pas assis en face mais aux côtés de nos clients. Nous sommes là pour co-construire une stratégie et contribuer à la réussite de leur entreprise en profitant de toute l’intelligence collective installée autour de la table.
Et côté agence, comment on vit ça ?
Chez MV Group, nous avons décidé depuis 2 ans de limiter grandement nos réponses à des consultations pour toutes les raisons que j’ai développées. Nous préférons nous concentrer sur nos clients pour bien les servir. Ce sont à présent nos ambassadeurs qui nous recommandent grandement sur nos différents marchés. Et cette stratégie semble nous donner raison, puisque nous n’avons jamais gagné autant de clients grâce à leurs recommandations.
Nous ne répondons que lorsque nous avons eu des échanges avancés avec les donneurs d’ordre nous permettant de bien cerner leurs besoins, de définir ensemble les objectifs attendus et de nous assurer que le travail des agences sera respecté (nombre d’agences limité à 3, qualité de l’échange et réponse argumentée et dans les délais).
Il y a 4 ans, nous avons vécu la meilleure expérience en termes de consultation qui était parfaitement adaptée à nos métiers : l’A/B testing d’agence.
Un site internet répliqué en 2, chaque agence avec une zone, et chacune avec le même budget sur la même période de 3 mois et 2 critères d’évaluation prédéfinis : la qualité des relations (contacts, force de proposition, disponibilité des équipes) et le niveau des performances obtenu. Le client qui avait déjà vécu une quinzaine de consultation ne voulait plus avoir, comme il dit « des danseurs de claquettes » qui lui faisaient tous des belles promesses. Là, il voulait mesurer « les résultats dans la vraie vie ». Nous avons amélioré de 44 % les performances par rapport à l’autre agence tout en diminuant les investissements publicitaires. Nous construisons depuis des relations exceptionnelles qui contribuent à la forte croissance de cette entreprise.
Et pour nos propres besoins ?
Quant à MV Group, quand nous avons des besoins de prestataires, j’agis de façon différente: je rédige une rapide expression de besoins qui recense les points essentiels de nos attentes. J’identifie les acteurs possibles, et j’élargis aussi de temps en temps à LinkedIn, qui me permet de compléter par les recommandations de sociétés que je connais.
Je transmets mon besoin et attends une réponse très simple sur une grille d’analyse. Et selon les réponses sur les points clés, je les rencontre. Pas pour un RDV très « formel », mais dans un format simple d’échanges. Cette relation sincère me permet d’identifier rapidement et facilement avec qui j’ai envie d’avancer et de développer mes projets. Je sais très bien que certains sujets vont être complexes, je me sens mieux de les affronter avec des personnes compétentes, mais avec qui j’ai perçu une vraie relation sincère et de confiance.
Est-ce véritablement la meilleure solution ? Je ne sais pas, en tout cas c’est la personne et l’entreprise avec laquelle je pense que nous allons pouvoir construire et qui va pouvoir nous accompagner dans le développement de nos futurs projets. Exactement comme pour nos recrutements, nous recherchons des compétences mais pas uniquement cela, il faut aussi savoir travailler en équipe. J’ai constaté que l’on allait beaucoup plus loin et plus rapidement avec des personnes de confiance, et c’est ce que je recherche, construire des relations de confiance en laissant le plus de place possible à l’humain.
Alors aussi pour les consultations et appels d’offres, repensons les façons de faire pour les adapter à nos nouveaux usages, sans quoi, je ne suis pas sûr que les meilleurs partenaires perdront du temps pour y répondre.