Je suis autodidacte… Et fier de l’être !
Tu as fait quelles études pour faire ce que tu as fait ?
Voici ce que j’entends de temps en temps lors de rencontres et j’avoue que ça me fait bien sourire, car ça montre la clé de lecture de la personne.
Dans ce type de situation, j’aime expliquer que je ne suis « qu’autodidacte » ce qui interpelle encore plus (c’est mon petit plaisir 🙂 ).
Oui je suis autodidacte, et fier de l’être. Pourquoi ? Car en définitive je n’ai pas le choix, je le suis, c’est mon parcours, à moi de l’assumer. On ne refait pas son histoire, on s’est tous construit sur nos histoires.
Je n’ai pas eu une enfance malheureuse, je suis juste parti en vrille en 4ème.
POURQUOI ?
Manque de plaisir, manque de concret, envie de s’amuser, de faire des choses différentes, plus vite, des choses qui me plaisent. Et nous avons un système scolaire qui fonctionne globalement bien pour les enfants qui sont sur les rails, mais qui est plutôt une machine à exclure pour les autres. On aurait besoin de plus d’attention, de plus d’affection, et c’est justement l’inverse qui se produit, la spirale infernale. On croule sous les phrases pas sympas : « tu es un bon à rien », « qu’est-ce-que tu feras de ta vie ? »
Avec du recul, j’imagine que ça forge le caractère, on doit faire face à l’adversité, à la défiance, on développe son courage (pas toujours simple les jours où les bulletins de notes arrivaient dans la boites aux lettres), on cultive aussi sa créativité pour faire des conneries, ou pour imaginer toutes les possibilités de tricher digne des Sous-doués passent leur Bac. On rigole, on s’amuse, on passe de bons moments et on est super solidaires entre élèves dans la même situation.
Et si finalement, tout cela était une chance extraordinaire pour le futur en développant des qualités différentes ?
Après tout, l’avantage, c’est que l’on n’apprend pas la même chose que les autres et dans un cursus qui n’est pas balisé, donc on apprend de manière différente.
Pour ma part, il y a d’abord eu la prise de conscience : un travail saisonnier à la chaîne, qui m’a mis du plomb dans la tête et m’a fait comprendre qu’il fallait que je trouve ma voie, mais pas celle-ci.
Tout a basculé avec un stage, qui m’a apporté du concret et a allumé ma flamme. Une flamme qui m’illumine depuis maintenant 30 ans et qui me donne un plaisir incroyable avec mes clients et mes différentes équipes.
Beaucoup de portes sont fermées
Un candidat autodidacte aura beaucoup plus de mal à obtenir un entretien et sera même face à des secteurs d’activité totalement fermés. Vous ne trouvez plus d’autodidacte par exemple dans le domaine bancaire ou dans l’administration (tiens c’est drôle, ce n’est pas l’état qui pousse les entreprises à développer l’inclusion ?).
Dans des grands groupes qui pourraient en recruter, il lui faudra plus de temps pour obtenir un CDI et son évolution vers de nouvelles fonctions sera souvent ralentie.
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Et pourtant ils ont des atouts (j’en vois beaucoup, c’est normal 🙂 )
On leur reconnaît souvent quelques qualités particulièrement développées.
envie d’apprendre
Personnellement, je l’explique souvent en me disant que comme nous n’avons pas appris beaucoup à l’école, nous avons envie de rattraper le retard. Je pense que l’on est aussi nourri par un esprit un peu « revanchard ». J’y vois un atout particulièrement fort aujourd’hui. Nous sommes dans un monde qui change vite et en permanence, qui nécessite d’apprendre tout au long de son parcours, on doit donc apprendre à apprendre. L’autodidacte a un atout, c’est comme ça qu’il a appris, donc n’a pas de changement à faire sur ce point. Sa soif d’apprendre est nourrie par une passion particulièrement développée.
Curieux
Ils ont souvent un esprit de curiosité particulièrement développé. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment, peut être l’envie de se nourrir, de comprendre les choses, peut-être pour s’aider à apprendre encore plus.
Pragmatique
C’est en faisant que l’autodidacte apprend, il ne passe pas par des théories ou des chemins qui lui ont été balisés, il a besoin rapidement de concret, de choses visibles. C’est ce qui lui a manqué dans le parcours scolaire classique : il l’a rejeté plus jeune et ne veut pas revenir à ces mauvais souvenirs.
Pense différemment
Il n’a pas eu le même parcours, il a appris les choses de façon différentes. C’est pour moi aujourd’hui un atout énorme, car nous sommes dans un monde où il faut développer ses points différenciants pour sortir du lot et limiter la comparaison. Or, comme beaucoup ont suivi les mêmes cursus, chacun est plus ou moins formaté de la même manière. Dans ce contexte, pas facile de développer une façon de penser différente des autres…
Endurant
Son parcours difficile lui a fait vivre quelques expérience pas toujours des plus faciles et agréables. Les paroles « sympathiques » qui vous rappellent que vous ne valez pas grand chose, ça forge le caractère, ce ne sont pas les meilleurs moments, mais ça muscle et ça sert toujours… Pour le futur. Peu de personne nous font confiance quand on est jeune, on doit du coup inconsciemment cultiver de la confiance en soi, du caractère, de la ténacité, pour leur démontrer qu’elles se trompent.
On lui reconnaît aussi souvent, une force dans l’engagement : quand il y va, il y va vraiment, il est un peu plus créatif, certainement parce qu’il n’a pas de barrières (normal, il luttait contre plus jeune), ce qui le poussera à se battre contre le conformisme. Il a besoin d’être moins cadré que d’autres, il sera donc moins déstabilisé dans des environnement d’incertitudes ou pour les improvisations.
C’est certainement aussi pour ces raisons là que l’on voit certaines entreprises chercher à intégrer quelques autodidactes dans leurs équipes, pour leur apporter des solutions différentes.
Mais l’autodidacte a aussi des lacunes (comme tout le monde) 😉
Français et anglais
Très souvent, le point commun entre les autodidactes est une certaine faiblesse en orthographe et un niveau particulièrement faible en anglais (ce qui est mon cas). Et oui, plus difficile à apprendre par soi même, à moins d’aller séjourner à l’étranger.
Vouloir en faire plus
Il a été « formaté » pour démontrer qu’il était autant capable de faire que les autres, du coup, il va vouloir le démontrer en permanence, aux risques d’agacer les autres (qui peuvent encore plus s’agacer de ses résultats si il n’a pas de diplôme).
Manque de légitimité
Là ce n’est pas de son fait mais il va en souffrir dans son entreprise. Il peut arriver que sa proposition ne soit pas entendue de la même manière, moins légitime qu’un collègue bardé de diplômes.
À titre personnel, j’ai eu la chance de rentrer dans un groupe qui m’a fait confiance et qui m’a jugé exclusivement sur mes performances.
Jamais je n’ai eu à lutter contre un quelconque a priori sur mon niveau d’études, mais mon métier s’y prêtait plus qu’un autre, puisque j’étais commercial. C’est donc bien le résultat qui parle ! Par la suite, en management, on a vu que j’avais la capacité à entraîner une équipe dans la performance. Le fait d’être autodidacte a même été un atout supplémentaire sur un sujet qui torture souvent beaucoup de salariés : la rémunération. Connaissant mon cursus, je n’ai jamais eu de prétentions décalées, je n’ai pas eu le bourrage de crâne de la part des profs, vous savez, ce que les écoles expliquent aux élèves : « à la sortie, vous valez tant ! »
J’ai eu une autre mécanique, j’étais content de ce que j’avais et je me disais “je m’en sors pas mal avec les conneries que j’ai faites !” C’est bête, mais ça enlève tellement de frustrations personnelles et ça développe le plaisir de faire son job, c’est aussi pour ça que pendant 20 ans je me suis éclaté comme un fou.
Aujourd’hui, chez MV Group, j’ai identifié quelques actions spécifiques que nous avons fait et qui sont particulièrement liées à mon parcours d’autodidacte.
Recrutement sans CV
Avec un parcours « normal », je pense que je n’aurais jamais eu l’envie de lancer ce principe de recrutement qui nous a permis à date de recruter une vingtaine de talents.
De nouveaux modèles de formation
Une rencontre humaine qui bascule tout, mais aussi l’envie de changer les choses en matière de formation, d’école. Une forme de revanche et surtout l’envie de donner le coup de main à des personnes qui ne sont pas dans la bonne case et qui pourtant ont l’envie et la passion m’ont amenés à créer l’Ecole Digitale de la Nouvelle Chance. Un projet qui nous pousse aussi à lancer Stage 301, université digitale unique, puisque c’est l’école dans l’entreprise pour apprendre à apprendre et de façon pragmatique.
Offrir des opportunités
Personnellement, je suis plus attaché à la capacité que les personnes ont à apprendre plutôt qu’à ce qu’elles ont appris. Pour l’un on est dans le futur, pour l’autre on est dans le passé. Je pense répliquer sur les autres ce que je m’efforce de faire et j’avoue avoir une certaine attirance pour les parcours qui ne sont pas rectilignes. C’est comme ça que nous sommes arrivés par exemple, et pour ne citer qu’eux, à confier la direction générale de Mediaveille à Yohann Delahaye, la Direction des expertises MV Group à Marc Levin, ou encore, la Direction du Capital Humain MV Group à Lina Poizeau, alors qu’elle n’avait aucun connaissance du sujet.
À mon sens, ce sont ces différents éléments qui font qu’une entreprise est spécifique, qu’elle n’est pas comme les autres, qu’elle a une âme, une singularité, et c’est ce que j’aime personnellement.
Mes pires souvenirs
J’ai deux pires souvenirs en tant qu’autodidacte :
- Le premier : lors de mon 1er jour de stage (en 89) j’arrive en même temps qu’un élève de Sup de Co, qui me demande mon niveau d’étude (à l’époque, juste un BEP en poche) et qui répond : « ah ouais, ça ne va pas être facile pour toi « .
- Le second : il y a 5 ans, quand pour un appel d’offre, le grand groupe a demandé le CV de l’équipe et… du patron. J’ai trouvé ça insultant et absolument inutile, puisque j’ai quitté l’école 25 ans avant. Comme quoi ça peut laisser des traces longtemps, mais la preuve aussi qu’avoir des diplômes ne rend pas automatiquement malin 😉
Mes meilleurs souvenirs
J’ai aussi deux meilleurs souvenirs en tant qu’autodidacte :
- Le premier : à la fin de mon fameux stage. Finalement au bout d’un mois, j’ai cartonné à bloc, j’avais fait le plein de bon de commandes, quand lui était toujours en train de réfléchir à un concept… qui n’est jamais sorti.
- Le second : ce mardi 14 Mai, lorsque j’ai reçu le Prix National des Victoires des Autodidactes « Coup de Coeur du Jury” remis par Martin Hirsch , qui m’apporte une satisfaction personnelle incroyable et que je n’aurais jamais imaginée. C’est un superbe cadeau pour mes parents, que j’ai pu faire souffrir pendant ma scolarité.
Il faut dire que dans un pays comme la France où le nombre de diplômés est beaucoup plus élevé que les non-diplômés, la concurrence était moins grande. Comme quoi en partant en vrille dans mes études à 14 ans, j’avais sans le savoir un petit côté visionnaire.
J’adore échanger avec des entrepreneurs au quotidien et qu’ils me racontent leur histoire. Mais souvent, les histoires des entrepreneurs autodidactes m’interpellent encore plus, car elles ont ce petit grain de folie que l’on n’avait pas imaginé de l’extérieur. Je pense que je raffole des choses qui n’étaient pas écrites d’avance, le petit effet de surprise qui est magique
Cette récompense me va droit au cœur et montre que quelle que soit son histoire personnelle, nous avons tous notre destin entre les mains et qu’à force de volonté, nous pouvons nous construire et bâtir de beaux projets.
Rappelons nous que la richesse d’une entreprise passe aussi par la diversité des équipes, des diplômés et des autodidactes, mais aussi la diversité dans la parité femmes/hommes, inter-génerationnelle et dans la mixité sociale ou culturelle.
Ce prix confirme une phrase que je me suis appropriée et que j’adore : « Chaque problème est un cadeau ! »
Il aura juste fallu attendre 30 ans pour recevoir le cadeau, comme quoi il faut savoir être patient.